Dernière folie, derniers moments exclusifs pour vivre notre périple en Inde du Sud, tenter de rejoindre en motos Karaikal en partant de Pondy, par les petites routes de campagne… 130 km, qu’est-ce que c’est ? Et puis il y a dans les têtes des grands les déjà là du partir… Le dernier voyage ou la dernière folie indienne… Oui, ça doit être cela, Mordre une dernière fois dans ce pays qui nous donne tout,.. tel un apprivoisement quotidien, il nous entre dans la peau à tous, ce n’est plus une question de plus à visiter, c’est une variation de l’appartenance, de la vie de famille, un petit bout de ce déjà là, une question de vie, ça se voit dans les yeux des enfants qui ne veulent pas faire la route… Mais ils la feront pour notre, mon plaisir; Cha me suit, elle se doute que cette épreuve est physique, c’est ma route, mon envie, ma découverte parfaite de ces cinq mois. Et reprendre la route, il le faudra, c’est pour nous viatique, il y a un monde à découvrir ! L’Indonésie, et Bali pour bien finir, avant de tout recommencer.
Alors partir sur les p’tites de routes vers Karaikal, pas plus de distance qu’entre Hoi Han et Hué au Vietnam, mais c’est l’Inde, pas les mêmes routes que je n’oserais entreprendre sans l’accord de tous… Papa, moi donc, se fait son kif pour retrouver la famille : Les Soeurs de Cluny, mais pas seulement, notre famille comme nous irions chez Lambert, Michel ou Frère Jean-Marie, revenir en soi à la source. retrouver celles que nous aimons et qu’en réalité, nous sommes venus pour elles. Savez-vous qu’elles nous ont manqué ? Le contraire serait un mensonge ? Et oui, toujours revenir à la Source sinon nous nous perdrions dans les limbes de ce pays. D’accord, nous avons beaucoup bossé pour l’Association mais se retrouver juste, pour une dernière fois, elles et nous, sans parler de tout ça, le déplacement se mérite et s’enrichit de la route, de ses paysages, de ses rizières, de ses gens qui passent,…
Revenir à la Source.
Revenir à toi, Ma Soeur Lourdes-Marie, celle à qui nous avons osé donner ton propre nom à notre fille ainée, Toi qui pour qui, quoiqu’il arrive, nous reviendrons toujours. Toi, qui fut la meilleure amie et confidente de Soeur Myriam, toi qui faisait avec elle, ce binôme d’Amour et d’affection, c’est vers toi que nous revenons et que nous nous retrouvons toujours. C’est toi, surtout, notre Inde à nous, et qui le devient aussi pour nos enfants. Sans doute par l’adoption, la mienne mais surtout parce que tu fais partie de notre histoire à Charlotte et moi,… sans toi et Myriam, tout un symbole, nous ne serions pas là, nous ne nous serions jamais rencontrés sur cette terrasse jamais aucun flirt, jamais aucune caresse, jamais d’amour aussi grand, jamais surtout quatre beaux enfants ! C’est à toi, à vous deux que nous le devons. Et si,… ?
Cette adoption qui colle à la peau, qui ne m’empêche de rien, que je vis si bien, qui m’édifie tous les jours de ma vie et que pourtant tout me rappelle à elle. Moi qui suis si sûr de tout, de cette chance exceptionnelle de construire une vie sur ce don de soi, Combien êtes-vous à me le rappeler sans cesse, aujourd’hui tellement plus qu’hier ? Mais pourquoi ? Mon père ? Ma Mère ? Vous qui me regardez et qui me lisez ? Vous, qui m’enviez ou me jalousez parfois ?
Je le redis comme sereinement je le redis en Inde, le « Je » me suffit. J’ai construit la plus belle vie, je la construis tous les jours, encore plus belle, au quotidien, et j’avoue que je me fous des turpitudes des autres qui ne comprennent pas la chance extraordinaire que c’est d’être adopté. Et j’en ai vues, depuis que nous venons en aide aux Soeurs de Cluny, ces jeunes femmes en recherche d’identité, qui frappent à la porte pour se retrouver, retrouver un bout de soi, une idée croyante et criante que l’Inde nourricière lui doit ou lui donnera quelque chose en retour. Et tout est faux, tout est un mirage de l’absence de réponse, un combat contre l’oubli, une reconnaissance de la différence, de cette couleur qui colle à la peau, de cette petite chose dans la tête et dans les reins qui se veut le moteur d’une recherche de ce propre oubli. Et quand vient le réveil soudain à la quarantaine, il est sans doute déjà trop tard. L’adoption s’explique par la transmission de ses parents d’abord, par la reconnaissance de sa chance, par la croyance aussi et surtout.
Comme une mère tiendrait son enfant sur la hanche, comme une soeur qui prendrait le mien dans ses bras, comme mes enfants qui touchent au sentiment de l’abandon et qui reviennent à nous avec leurs yeux énamourés et touchés.
Moi, cela fait trente ans que je l’ai oubliée cette question adolescente de l’adoption. Ce que je sais pertinemment, c’est ce que je suis et ce que je vaux aujourd’hui et je trouve affligeant d’écrire ces mots pour redire que la vie m’a donné ce qu’elle me voulait de meilleur et combien je lui suis reconnaissante d’être ce que je suis. Aussi, quand je les retrouve, mes Soeurs de Cluny; j’avoue ma fierté de les connaître et de pouvoir vivre ces moments de saines amitiés et d’amour avec elles. M’en voudrait-on ?
Comme avec sister Joshna, qui en 1991 n’était que simple novice, que j’ai retrouvée en 1998, devenue Soeur, et avoir ppartagé des heures sur un banc à l’hôpital les raisons de croire et de l’engagement fraternel, de ces rencontres Joshna est née cette affection particulière qui nous unit aussi.
Evidemment, tout le monde n’a pas cette chance d’avoir cette relation exclusive avec Mes, pardon avec les Soeurs de Cluny, mais n’est-ce pas à chacune et à chacun de reprendre le fil de son existence pour réconcilier les blessures du passé ? Encore faut-il que ce soient des blessures… ou un mirage de croire qu’ici, en Inde, il y ait une réponse à la question de l’adoption. Revenir sur ses traces est sain, est une démarche de coeur bien plus que de compréhension et d’acceptation. Revenir sur les chemins de traverse, avec l’idée de comprendre qu’une destinée, même si elle s’est construite dans les étoiles, c’est avant tout un don d’une vie. Quiconque ne le comprend pas fait de sa vie un chagrin, une tristesse infime, voire même une névrose. Cette question, moi, j’y ai répondu dans mon texte précédent quand j’ai accueilli avec tous les miens ma Maman et son nouveau mari à déjeuner en février ! Quelle chance j’écrivais d’avoir ma Maman en Inde, auprès des Soeurs et de racine même de la Terre. Et quelle preuve par elle que l’adoption est une vie de réussite, car rien ne pourra m’enlever de l’idée que nous n’avons, bien que deux, une seule qu’il faut chérir, garder et aimer.
ET dans la même phrase, je ne peux, je ne pourrai jamais accepter que soit remis en question mon intégrité, ma relation avec les soeurs, et à l’avenir, je ne pourrais jamais plus accepter qu’on puisse passer par moi pour obtenir des renseignements, des passes-droits auprès des Soeurs. J’ai construit ma vie sur une idée de Vérité : grâce à l’engagement de mes parents, grâce à leur volonté de m’y amener, à Pondy, j’y ai rencontré les Soeurs, et j’y ai lié mes liens d’amitiés. Et ça c’est un fait, la reconnaissance d’avoir des parents qui offrent un nouveau chapitre à la vie, qui disent et laissent leur enfant se construire face aux turpitudes de l’existence. De turpitudes, je n’en ai jamais eues, je ne suis pas de ceux-là. Dire qu’ils m’ont offert le meilleur de l’adoption, celui que je souhaite à tous mais Toucher aux Soeurs c’est aussi y croire, le vouloir sans jamais rien abîmer …
aussi, j ne pourrai accepter, à l’avenir, dans mon fort intérieur que des jeunes femmes ou autres ne se conduisent pas comme il se doit, reviennent pour tout abîmer, reviennent vindicatrices, reviennent avec l’idée que tout leur est dû, qu’il faille leur expliquer sans les vexer qu’une Communauté religieuse a droit à son intimité et du respect, qu’on soit chrétien ou pas. L’adoption n’est pas un passe-droit, Il y a le devoir du respect, il n’y a rien à critiquer ni à revendiquer, ni même partager des manquements qu’elles pourraient avoir eu dans leur gestion quotidienne des enfants quand on ne passe que quelques jours ou semaines en Inde, surtout en ne connaissant rien de la réalité indienne. De même, les scènes de violence ou d’insultes envers les Soeurs comme nous avons pu être les non-témoins mais être sur place, de la part de gens qui ne sont même pas de Cluny et qui feraient de telles belles choses ailleurs, disent-ils, me révoltent quand je reviens chez elles et qu’elles sont profondément choquées et meurtries. Comme ces jeunes femmes qui critiquent à tout-va la communauté des Soeurs parce que maltraitantes, autant aller voir un autre orphelinat qui sait ? Quitte à monter une nouvelle asbl, … Pourquoi pas, quel signe de reconnaissance !? Comme ces personnes qui, par reportage interposé, croient qu’en ne passant que deux heures dans une pouponnière, évitant les ondes négatives bien entendu que nous leur donnerions, qui, après avoir bien pris tous les renseignements chez nous, s’introduisent en mon nom dans la Communauté et par la suite racontent une Histoire fausse dans les médias belges,
Tout cela me rend tragiquement triste.
L’adoption n’est pas médiatique, n’est pas de l’ordre du rejet ni l’incroyance; elle fait partie d’une vie et il faut vivre avec. La Laïcité, tellement belle de promesses ne peut résoudre ce noeud là et à ceux qui disent que les Bonnes Soeurs ont bien abusé de leur position dominante, « Mais pourquoi Fabien viens-tu en aide à celles-là qui ont tant d’argent ? Tu es sûr ? « Je leur dirais seulement , vous le fervents défenseurs de cette laïcité bien pensante, vous étiez où quand elles, déjà sauvaient nos vies ? Vous n’étiez pas là, vous n’existiez, pas. Au nom de votre laïcité, vous arrivez juste à vous convaincre vous-mêmes que vous existez, et cela vous suffit sans doute. Une Communauté religieuse, on y rentre parce qu’on croit, au moins on a le respect de la croyance des autres. Auquel cas, c’est juste une perte de valeurs monstrueuse et un abandon dans ce qui fait notre civilisation. Je demande juste le respect de toutes celles et ceux qui voudraient revenir sur leurs pas. L’adoption, c’est la plus belle chance d’une vie. C’est même un accident de l’histoire ou encore une plus belle histoire à écrire sans ressentiment. J’invite vraiment les enfants adoptés à y revenir avec de la plénitude, du respect,… surtout du respect,…
ça c’est fait !!! Je vous l’ai dit mais je ne pouvais pas partir sans vous le dire alors aussi Pardon à celles et ceux qui ne doivent pas se sentir concernés ! Mais il fallait que je vous le dise… C’est aussi une partie intégrante de ce voyage et de ces mois passés avec les Soeurs.
Alors, ces quelques jours à Karaikal ? La Glande et le bonheur de ne rien ‘y faire.
Nous avons passé cinq jours merveilleux, vraiment à ne rien faire, juste quelques courses, quelques derniers souvenirs, revenir sur la digue pour une unique et exceptionnelle promenade, juste avec sister Lourdes-Mary, quelques confidences, marcher dans ses pas qui se confondent avec les nôtres, ma joie de se voir en famille. Ce fut aussi l’occasion de se voir offrir des cadeaux de départ, de communier ensemble lors de la messe du dimanche dans notre petit village ou de se lever aux aurores pour prier en communauté. Revoir aussi Sister Georgina, converser longuement avec elle, ressentir la croix qu’elle dessine sur nos fronts, ressentir son affection et sa reconnaissance de passer du temps, … juste prendre le temps de s’aimer dans la rencontre et en donner.
Revoir les Soeurs du Carmel Convent, revoir Sister Marie – Stella et sa Communauté, le temps d’un dernier repas, le temps des pages qui se tournent, des chapitres de vie qui se nourrissent entre elles et qui redemandent à chaque fois « Vous revenez quand ? » .Dans trop longtemps,… hélas,… Dans trop longtemps.
Et reprendre la route pour la dernière fois, sans regarder au dessus de l’épaule, gonflés d’énergie et de souvenirs, de douceur et de chaleur, d’amour et de prières,… La route est une prière à elle toute seule,…
Alors, moi, je prie pour elles et pour tout ce qu’elles m’ont donné, me donnent à tous les miens, …
Une question d’amour ?
Fab